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Miguel Daube

Éco-constructeur

Lieu d’activité : La bergerie du Rouïre - Saint-Pierre-des-Champs

Thématique : Habitat, Éco-construction

Je suis installé depuis une quinzaine d’année sur ce lieu : le Rouïre. J’ai habité la vallée d’à coté il y a 40 ans au sein d’une communauté, un des premiers éco-hameaux en quelque sorte. J’ai ensuite construit ma maison du coté de Talairan, planté des amandiers et démarré mon activité en maçonnerie. J’ai dû quitter ma maison ; j’ai craqué face à un environnement de voisinage trop « encombrant », camions, grues, pelles mécaniques. J’ai choisi ce coin car j’aime la garrigue, il n’y a pas de limite, pas de barrière, des ciels magnifiques, ici on est loin du tumulte de la vie. Il faut les regarder, ces ciels… étonnants !

Ce qui me touche ici, ce sont les paysages, c’est sans commentaires… Il faut vivre là pour aimer ces paysages, au quotidien, au fil des jours… Je suis aussi montagnard, j’aime surprendre une harde d’Isards, ou des Bouquetins, ou ici, là, ce matin, un lapereau qui n’avait jamais vu un être humain et qui passe dans mon jardin.

Malgré les distances, de nombreux liens humains se créent, soit culturels, soit politiques et écologiques.

Ce qui m’intéresse c’est que les choses ne se fassent pas sans moi, je suis un solitaire mais j’aime participer à diverses activités, apporter des idées. Des initiatives comme l’ADHCo ou la création d’une commission au sein du Pays Corbières Minervois sur l’énergie et l’éco-habitat ont été moteur sur le territoire. Aujourd’hui une association Éco-habiter en Corbières Minervois est née pour promouvoir l’éco-habitat et proposer des savoir-faire. Avec 1,2,3 soleil, je m’implique aussi dans des projets qui tournent autour de réflexions sur l’énergie. Il faut être force de proposition, ouvrir les débats d’idées, être militant mais de façon ludique et constructive. Faire des cabanes en terre paille avec des enfants avec une école et donner envie à leurs parents de faire de même chez eux participe à cette dynamique.

Au niveau de l’agriculture, je sens qu’il y a une envie, encore marginale, de produire mieux et plus propre. Ce qui me fait plaisir c’est de voir des jeunes qui s’installent, parfois des fils d’agriculteurs qui ont travaillé par le passé en chimie, et qui s’installent à leur tour mais en biodynamie. Les habitants eux-même commencent à se rendre compte qu’il faut faire quelque chose. Une prise de conscience est en train de se faire.

La déprise agricole, surtout en viticulture, a modifié le paysage, on a vu apparaître des friches, des landes.

En ce qui concerne l’habitat, les villages sont désertés et les maisons à l’intérieur des villages sont vendues à des prix exorbitants, des lotissements voient le jour, mais ils sont programmés et uniformes. Au contraire je participe à la modification du paysage par le travail de la pierre et de la terre. Cette proposition de construction me semble plus cohérente face aux questions environnementales et adaptée au paysage.
Le contrôle de l’extension des lotissements pourrait libérer des terres agricoles et y faire d’autres choses. Pourquoi pas du maraîchage, encourager à l’installation des bergers en chèvres et brebis et alimenter les marchés locaux. Le Pin d’Alep recouvre le territoire, pourquoi ne pas l’utiliser pour le bois de chaufferie.

J’ai le sentiment qu’une course de vitesse a commencé entre la pression économique et la conscience écologique… Ce n’est pas gagné à l’échelle mondiale, et face aux grands groupes industriels. Je compte sur le Parc et surtout sur ses adhérents pour être force de proposition.

Le parc doit être un laboratoire d’expériences, aller trouver des idées plus loin en proposant des visites de lieux expérimentaux, réfléchir à des projets adaptés à notre territoire. Il faut densifier mais penser les espaces dans leur globalité, construire plus ouvert. Dans les villages, les gens ont aujourd’hui besoin d’espace, de lumière, pourquoi pas envisager des jardins collectifs, c’est aux urbanistes de penser tout cela.
Des choses toutes simples pourraient être développées : bien orienter sa maison, limiter les surfaces, ne pas créer de plans trop complexes, mais aussi travailler la bioclimatique, utiliser le photovoltaïque et créer de petits parcs participatifs à l’échelle des villages, recréer des citernes, des composteurs. Créer des éco-quartiers autonomes en énergie, exploiter et gérer de manière contrôlée et partenariale les gisements locaux, en terre, en bois, en pierre et travailler avec ces matériaux seraient des actions intéressantes à développer.

L’éco-habitat c’est la manière d’habiter son territoire… cela commence par la maison, saine et confortable thermiquement, autonome énergétiquement, mais aussi accessible à toutes les bourses et en cohérence avec les autres habitations.
La gestion de l’eau sera un point très important, depuis la ressource jusqu’à la phytoépuration.

La problématique du transport est aussi une chose à améliorer, créer des navettes plus régulières, pour aller au marché, au cinéma. Il est important de maintenir les services publics, santé, écoles, poste.

Ma crainte c’est qu’il y ait un engouement de la participation au moment de la création du Parc, et puis un étiolement au fil du temps de cette mobilisation. Il faudra être vigilant pour maintenir une vraie dynamique qui a du sens pour les gens du territoire.

Le PNR devra contribuer au développement du territoire en maintenant sa spécificité, en donnant l’occasion aux habitants de participer à son développement.

Il devra être un lieu de création collective et transposable à d’autres territoires, que ses expériences profitent à d’autres, et permettent de voir plus loin… il ne devra pas être une réserve. Il ne faudra pas qu’il soit géré juste par un petit groupe d’élus et de techniciens. Il est nécessaire de ne pas oublier les habitants, leurs connaissances et leur forces de propositions.